Voici un sujet qui va en passionner plus d'un!
Il y a 17 ans, Princesse Mononoké, l’œuvre d’Hayao Miyazaki, sortait dans les salles françaises. Le mois de janvier 2000 marquait l’irruption durable du Studio Ghibli dans l’hexagone. Un succès tel qu’aujourd’hui ce film est considéré comme un chef-d’œuvre absolu.
Hayao Miyazaki a réussi l’exploit de créer une histoire emprunte d’une portée symbolique énorme critiquant radicalement le monde moderne. Princesse Mononoké est à la fois une œuvre symbolique que l’on peut rapprocher de la mythologie celte et un brûlot révolté contre le saccage de la Nature.
Dans ce film se déroulant dans un univers médiéval, Ashitaka – un jeune prince d’une tribu oubliée -, tue un Dieu sanglier pour protéger son village. Maudit par celui-ci, il prend la route pour vaincre la malédiction. Dans son périple, il découvre la ville des forges, tenue par Dame Eboshi. Il découvrira que les Dieux ne sont pas immortels et que, chaque jour, les hommes guerroient entre eux et saccagent la montagne pour l’obtention du minerai de fer.
Princesse Mononoké est un récit épique qui a tous les attributs d’une saga mythologique. Il n’est donc pas étonnant de retrouver de nombreuses similitudes avec la mythologie européenne, et notamment celtique.
Le rôle des femmes dans Princesse Mononoké
Hayao Miyazaki place deux femmes au centre du récit : San, la princesse Mononoké et Dame Eboshi, la puissante gardienne des forges.
Voilà une stature donnée aux femmes qui correspond bien à la culture celtique qui accordait une grande liberté et un rôle important aux femmes. Yann Brekilien, dans son livre La Mythologie celtique, le confirme : « Sur les rivages atlantiques, les populations de l’âge du Bronze, puis les peuples celtisés ont conservé à la femme beaucoup plus de droits et de pouvoirs qu’elle n’en avait chez les Latins, les Grecs et les Germains. La femme celte était l’objet d’un grand respect. Elle participait aux conseils où il était décidé de la guerre ou de la paix. Elle pouvait remplir des fonctions royales ou sacerdotales, commander des armées. L’initiation des jeunes guerriers était assurée par des femmes. » (Yann Brekilien, La Mythologie celtique, Editions Jean Picollec, 1981, p. 133)
San peut également être comparée à la figure mythologique de Morrígan, déesse celte de la guerre. Cette dernière se transforme en corbeau tandis que San se grime en louve.
Ashitaka, entre héroïsme et humanité
Ashitaka, est une figure classique des récits héroïques. Ce jeune prince doit lutter contre la malédiction d’un Dieu qui, en le condamnant à la mort, lui a également donné un attribut divin : une force surhumaine
Dans la mythologie celtique, Cúchulainn ressemble étrangement à Ashitaka.
Premièrement, sa force physique est également hors du commun.
Ensuite, il dispose lui aussi d’une arme à distance, un javelot mortel à coup sûr. Ashitaka utilise lui un arc mais, grâce à la malédiction, ses coups sont tous dévastateurs.
Enfin, Cúchulainn possède un cheval ayant une intelligence humaine. Le prince Ashitaka possède lui-aussi une monture aussi fidèle qu’intelligente qui lui permet de réaliser sa quête.
Là où le héros de Miyazaki s’éloigne de la mythologie traditionnelle, c’est dans son rôle d’observateur. Celui qui veut « porter sur le monde un regard sans haine » est un humain qui n’est pas un Dieu et qui se bat pour retrouver sa normalité. Tel Ulysse cherchant à retrouver Ithaque, Ashitaka souhaite uniquement briser la malédiction qui le condamne à la mort.
Le dieu-cerf, symbole païen immémoriel
Le cerf est l’un des symboles celtes les plus évidents de Princesse Mononoké. Merlin lui-même se transforme en un magnifique cerf au pied avant blanc.
« Le cerf n’est pas un animal quelconque pour les Celtes. […] Il est l’être primordial, la créature des origines et l’esprit de la végétation. On connait par ailleurs le rôle important du cerf dans la mythologie celte et ses nombreuses représentations sur des monuments (autel dit de Reims, de Sommerécourt, pilier des Nautes en particulier) ou sur des objets à caractère cultuel comme le célèbre chaudron de Gundestrup. » (Fabienne Pommel, Cornes et plumes dans la littérature médiévale : Attributs, signes et emblèmes, Presse Universitaire de Rennes, 2010, p.80)
Fabienne Pommel pointe explicitement du doigt l’utilisation par Hayao Miyazaki de la symbolique du Dieu-cerf qui se rapproche de la vision qu’avait les Celtes de cet animal.
Les Sylvains, cousins des Korrigans
Dans le film Princesse Mononoké, Ashitaka traverse la forêt du Dieu-cerf avec deux blessés dont un sur le dos. Il est guidé à travers les sentiers par des milliers de Sylvains, des esprits de la forêt.
Comment ne pas relever l’extraordinaire similarité avec les Korrigans.
Dans La Grande encyclopédie des lutins, Pierre Dubois évoque les kornikaneds, korrigans habitant dans les bois et veillant jalousement sur leur territoire.
Un plaidoyer humaniste, écologique et traditionaliste
Le film Princesse Mononoké est un plaidoyer très fin contre le monde moderne.
Comme dans quasiment tous les films d’Hayao Miyazaki, l’écologie est le sujet central de l’œuvre.
Ici, les progrès scientifiques réalisés par les hommes entraînent la destruction de la nature. Pour accéder au minerai, les villageois abattent les arbres et tuent les dieux.
Comme le dit un des villageois des Forges à propos de Dame Eboshi : « Elle sait qu’elle va à l’encontre de nos traditions mais elle se moque bien des vieilles lois. » Et un autre de renchérir « Elle n’a peur de personne, ni des hommes ni des dieux. »
Pendant que Dame Eboshi déforeste la forêt pour satisfaire les nouveaux besoins des hommes, l’Empereur est mourant et souhaite obtenir la vie éternelle.
Face à ces deux absolus que sont le progrès technique et la démesure morale – l’hybris honni des Grecs -, les conséquences sont claires : la destruction des normes et de la paix sociale.
C’est là le cœur même du message de Miyazaki. Lorsque l’homme se coupe des vieilles lois immémorielles d’un monde habité par le sacré, il n’a plus de limites. Sans barrières, l’être humain est voué à la destruction.
Mais il y a de l’espoir pour Miyazaki. Face à la folie des hommes, Ashitaka, souhaite « porter sur le monde un regard sans haine ».
Ashitaka, humain ancré dans une société traditionnelle tente de concilier la fin des traditions et de la transcendance avec le respect de la nature et la paix entre les hommes. Il est le symbole de ceux qui sont conscients des ravages du monde moderne et qui doivent affronter la folie des hommes.
Lorsque l’on connaît les positions très critiques de Miyazaki sur le marxisme, on perçoit que son message, éminemment politique, ne peut pas être confisqué par ceux qui prétendent défendre l’écologie aujourd’hui. Pour le réalisateur japonais, la lutte contre les mauvais côtés de la nature humaine passe forcément par la défense d’un ordre naturel et traditionnel.
Et face à la destruction de cet ordre ancien qui entraîne la destruction de toute vie, il appelle à un ordre nouveau. Une société nouvelle basée sur le retour à la sacralisation et au respect de la Nature et de la Beauté. Une société dans laquelle tous les hommes regarderaient le monde avec le souci du bien commun et le rejet de l’hybris.
Il est assez difficile de regarder toutes les œuvres de Miyazaki – et particulièrement Princesse Mononoké – sans penser à la maxime chère à Dominique Venner : « La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon. »
Source: http://www.breizh-info.com/2017/01/26/60383/princesse-mononoke-oeuvre-mythologie-celte-ecologie
Il y a 17 ans, Princesse Mononoké, l’œuvre d’Hayao Miyazaki, sortait dans les salles françaises. Le mois de janvier 2000 marquait l’irruption durable du Studio Ghibli dans l’hexagone. Un succès tel qu’aujourd’hui ce film est considéré comme un chef-d’œuvre absolu.
Hayao Miyazaki a réussi l’exploit de créer une histoire emprunte d’une portée symbolique énorme critiquant radicalement le monde moderne. Princesse Mononoké est à la fois une œuvre symbolique que l’on peut rapprocher de la mythologie celte et un brûlot révolté contre le saccage de la Nature.
Dans ce film se déroulant dans un univers médiéval, Ashitaka – un jeune prince d’une tribu oubliée -, tue un Dieu sanglier pour protéger son village. Maudit par celui-ci, il prend la route pour vaincre la malédiction. Dans son périple, il découvre la ville des forges, tenue par Dame Eboshi. Il découvrira que les Dieux ne sont pas immortels et que, chaque jour, les hommes guerroient entre eux et saccagent la montagne pour l’obtention du minerai de fer.
Princesse Mononoké est un récit épique qui a tous les attributs d’une saga mythologique. Il n’est donc pas étonnant de retrouver de nombreuses similitudes avec la mythologie européenne, et notamment celtique.
Le rôle des femmes dans Princesse Mononoké
Hayao Miyazaki place deux femmes au centre du récit : San, la princesse Mononoké et Dame Eboshi, la puissante gardienne des forges.
Voilà une stature donnée aux femmes qui correspond bien à la culture celtique qui accordait une grande liberté et un rôle important aux femmes. Yann Brekilien, dans son livre La Mythologie celtique, le confirme : « Sur les rivages atlantiques, les populations de l’âge du Bronze, puis les peuples celtisés ont conservé à la femme beaucoup plus de droits et de pouvoirs qu’elle n’en avait chez les Latins, les Grecs et les Germains. La femme celte était l’objet d’un grand respect. Elle participait aux conseils où il était décidé de la guerre ou de la paix. Elle pouvait remplir des fonctions royales ou sacerdotales, commander des armées. L’initiation des jeunes guerriers était assurée par des femmes. » (Yann Brekilien, La Mythologie celtique, Editions Jean Picollec, 1981, p. 133)
San peut également être comparée à la figure mythologique de Morrígan, déesse celte de la guerre. Cette dernière se transforme en corbeau tandis que San se grime en louve.
Ashitaka, entre héroïsme et humanité
Ashitaka, est une figure classique des récits héroïques. Ce jeune prince doit lutter contre la malédiction d’un Dieu qui, en le condamnant à la mort, lui a également donné un attribut divin : une force surhumaine
Dans la mythologie celtique, Cúchulainn ressemble étrangement à Ashitaka.
Premièrement, sa force physique est également hors du commun.
Ensuite, il dispose lui aussi d’une arme à distance, un javelot mortel à coup sûr. Ashitaka utilise lui un arc mais, grâce à la malédiction, ses coups sont tous dévastateurs.
Enfin, Cúchulainn possède un cheval ayant une intelligence humaine. Le prince Ashitaka possède lui-aussi une monture aussi fidèle qu’intelligente qui lui permet de réaliser sa quête.
Là où le héros de Miyazaki s’éloigne de la mythologie traditionnelle, c’est dans son rôle d’observateur. Celui qui veut « porter sur le monde un regard sans haine » est un humain qui n’est pas un Dieu et qui se bat pour retrouver sa normalité. Tel Ulysse cherchant à retrouver Ithaque, Ashitaka souhaite uniquement briser la malédiction qui le condamne à la mort.
Le dieu-cerf, symbole païen immémoriel
Le cerf est l’un des symboles celtes les plus évidents de Princesse Mononoké. Merlin lui-même se transforme en un magnifique cerf au pied avant blanc.
« Le cerf n’est pas un animal quelconque pour les Celtes. […] Il est l’être primordial, la créature des origines et l’esprit de la végétation. On connait par ailleurs le rôle important du cerf dans la mythologie celte et ses nombreuses représentations sur des monuments (autel dit de Reims, de Sommerécourt, pilier des Nautes en particulier) ou sur des objets à caractère cultuel comme le célèbre chaudron de Gundestrup. » (Fabienne Pommel, Cornes et plumes dans la littérature médiévale : Attributs, signes et emblèmes, Presse Universitaire de Rennes, 2010, p.80)
Fabienne Pommel pointe explicitement du doigt l’utilisation par Hayao Miyazaki de la symbolique du Dieu-cerf qui se rapproche de la vision qu’avait les Celtes de cet animal.
Les Sylvains, cousins des Korrigans
Dans le film Princesse Mononoké, Ashitaka traverse la forêt du Dieu-cerf avec deux blessés dont un sur le dos. Il est guidé à travers les sentiers par des milliers de Sylvains, des esprits de la forêt.
Comment ne pas relever l’extraordinaire similarité avec les Korrigans.
Dans La Grande encyclopédie des lutins, Pierre Dubois évoque les kornikaneds, korrigans habitant dans les bois et veillant jalousement sur leur territoire.
Un plaidoyer humaniste, écologique et traditionaliste
Le film Princesse Mononoké est un plaidoyer très fin contre le monde moderne.
Comme dans quasiment tous les films d’Hayao Miyazaki, l’écologie est le sujet central de l’œuvre.
Ici, les progrès scientifiques réalisés par les hommes entraînent la destruction de la nature. Pour accéder au minerai, les villageois abattent les arbres et tuent les dieux.
Comme le dit un des villageois des Forges à propos de Dame Eboshi : « Elle sait qu’elle va à l’encontre de nos traditions mais elle se moque bien des vieilles lois. » Et un autre de renchérir « Elle n’a peur de personne, ni des hommes ni des dieux. »
Pendant que Dame Eboshi déforeste la forêt pour satisfaire les nouveaux besoins des hommes, l’Empereur est mourant et souhaite obtenir la vie éternelle.
Face à ces deux absolus que sont le progrès technique et la démesure morale – l’hybris honni des Grecs -, les conséquences sont claires : la destruction des normes et de la paix sociale.
C’est là le cœur même du message de Miyazaki. Lorsque l’homme se coupe des vieilles lois immémorielles d’un monde habité par le sacré, il n’a plus de limites. Sans barrières, l’être humain est voué à la destruction.
Mais il y a de l’espoir pour Miyazaki. Face à la folie des hommes, Ashitaka, souhaite « porter sur le monde un regard sans haine ».
Ashitaka, humain ancré dans une société traditionnelle tente de concilier la fin des traditions et de la transcendance avec le respect de la nature et la paix entre les hommes. Il est le symbole de ceux qui sont conscients des ravages du monde moderne et qui doivent affronter la folie des hommes.
Lorsque l’on connaît les positions très critiques de Miyazaki sur le marxisme, on perçoit que son message, éminemment politique, ne peut pas être confisqué par ceux qui prétendent défendre l’écologie aujourd’hui. Pour le réalisateur japonais, la lutte contre les mauvais côtés de la nature humaine passe forcément par la défense d’un ordre naturel et traditionnel.
Et face à la destruction de cet ordre ancien qui entraîne la destruction de toute vie, il appelle à un ordre nouveau. Une société nouvelle basée sur le retour à la sacralisation et au respect de la Nature et de la Beauté. Une société dans laquelle tous les hommes regarderaient le monde avec le souci du bien commun et le rejet de l’hybris.
Il est assez difficile de regarder toutes les œuvres de Miyazaki – et particulièrement Princesse Mononoké – sans penser à la maxime chère à Dominique Venner : « La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon. »
Source: http://www.breizh-info.com/2017/01/26/60383/princesse-mononoke-oeuvre-mythologie-celte-ecologie